• Article paru dans Rue89 le 15 octobre 2011 par Matthieu Stevio

    http://www.rue89.com/2011/10/15/petit-je-voulais-etre-boulanger-mais-jetais-bon-en-maths-225582

     

    Petit, je voulais être boulanger, puis facteur, puis berger. On m'a poussé à faire des études. On m'a expliqué que c'était le seul moyen de réussir ma vie, de gagner de l'argent, de m'épanouir dans un métier. J'ai enduré de longues heures, de longues années de cours. Je me suis ennuyé, ennuyé et encore ennuyé sur des dizaines, des centaines, de milliers de chaises.

    Et maintenant que j'ai cinq années d'étude en poche, que je travaille - je suis ingénieur, je passe mes journées à concevoir des cuillères en plastique à moindre coût, pour environ 1700 euros par mois- je continue à m'ennuyer, et regrette profondément de n'avoir pas écouté le petit enfant qui voulait élever ses moutons en Ardèche.

    Et autour de moi, lorsque je tends l'oreille, voici ce qui tombe dedans :

    • « J'ai fait cinq ans d'étude, je passe mes journées à faire des additions. Tout ce que j'ai appris ne me sert finalement à rien. »
    • « J'aurais bien fait des études littéraires ou sociales, mais on m'a martelé qu'il n'y avait pas de débouchés. Je me suis fatigué à bosser des matières ennuyeuses pendant des années en espérant que j'aurais un travail solide au bout ; et maintenant que j'ai mon diplôme, j'enchaîne les CDD à temps partiel payés au smic... »
    • « J'en ai marre de tout donner, de partir tous les matins à 7 heures et de rentrer tous les soirs à 20 heures, et de continuer à galérer pour manger des casseroles de pâtes et pour me payer un 20 m2 tout miteux »…

    Des agents économiquement productifs ou des ratés

    Soumise aux pressions des marchés, l'école, de plus en plus délaissée par l'Etat, tend à aspirer les enfants dans une machine scolaire infernale, pour ensuite recracher vingt ans plus tard soit des agents économiquement productifs, soit des ratés.

    Ainsi, tant qu'un élève aura de bonnes notes, on lui conseillera vivement de suivre la voie royale : seconde générale, première scientifique, option mathématiques, maths sup, etc.

    On ne cherchera pas à savoir ce que l'élève veut faire de sa vie. De toute façon, lui-même n'en sait rien, car bien souvent ni l'école ni la vie de tous les jours ne lui donnent les moyens de savoir ce qu'est un métier, ou tout du moins un métier différent de celui de ses parents.

    Pour maintenir l'ordre : l'angoisse

    En série scientifique, plein de jeunes se battent pour devenir ingénieurs, car on leur dit que c'est le seul moyen d'avoir une situation stable et confortable, mais la grande majorité ne sait même pas expliquer ce qu'est au juste un ingénieur. C'est du formatage : la France veut des ingénieurs, car statistiquement, ils font plus grimper le produit intérieur brut que les agriculteurs ou que les poètes.

    On abuse de l'indécision pour les pousser dans des voies qu'ils choisissent rarement en connaissance de cause et qui engagent toute leur vie.

    Pour maintenir l'ordre, pour que les élèves filent sagement dans l'entonnoir, on utilise une arme redoutable : l'angoisse. Les télés, les radios, les politiques, les profs, les parents, toute la société dans son ensemble angoisse la jeunesse :

    • « La situation est grave, nous sommes en crise ». Il faut entrer dans la « guerre économique » ;
    • « Les plus faibles sombreront dans le chômage, et finiront à la rue » ;
    • « De toute façon, il n'y a plus d'argent dans les caisses ; et on ne va pas taxer les riches, les spéculateurs et les capitaux, car sinon tout partira à l'étranger… » ;
    • « Tremblez, enfants de la cinquième puissance mondiale : si vous ne voulez pas crever de faim, travaillez, étudiez vos mathématiques, devenez ingénieurs, faites-nous des plans d'avions de chasse et de centrales nucléaires. »

    Premières victimes : les enfants des classes modestes

    Ce sont généralement les enfants des familles les plus modestes qui sont le plus sensibles à ce stress, à ce chantage, car leur échec ne peut que très difficilement être financièrement amorti par la famille. Et encore moins par un Etat de moins en moins soucieux des questions d'équité sociale (car ne l'oublions pas : dans un monde où l'on donne des centaines de milliards aux banques, l'équité, ça coûte trop cher).

    Pour ces enfants modestes, tout tâtonnement est proscrit, il faut foncer tête baissée dans l'entonnoir. Je n'oublierai jamais ces heures d'angoisse qui précédaient les contrôles de mathématiques – coefficient 9 –, de physique – coefficient 6 –, ces heures à faire et à refaire toujours les mêmes exercices, ces heures où ma place en classe préparatoire, où tout mon avenir se jouait. Ces heures et ces années où l'école abrutit plus qu'elle n'élève.

    Le lycée est, pour certains, un véritable enfer dans lequel la moindre mauvaise note est susceptible de faire chuter lourdement une moyenne ; et une mauvaise
    moyenne dans une discipline clé peut, à son tour, considérablement réduire les chances d'un élève d'être pris en classe préparatoire, BTS, etc.

    Avoir de bonnes notes ne suffit pas, il faut aussi être bien classé ; et la compétition commence dès le collège et s'intensifie avec les années d'études. Elle peut devenir terrible lorsqu'il s'agit des concours de médecine ou d'entrée aux grandes écoles. Bien souvent, la soif de la réussite prend le dessus sur le désir d'apprendre.

    Matheux = génies, philosophes = inutiles

    L'art, la philosophie et la poésie sont des disciplines pleines de sens qui peuvent orienter une vie. Le système scolaire les néglige de plus en plus. L'histoire et la géographie sont désormais en option en terminale S ; disciplines évidemment inutiles pour former, à titre d'exemple, nos futurs ingénieurs nucléaires.

    Il me semble qu'assez tôt dans le cursus, les « matheux » sont assimilés à des génies, les économistes à des prophètes, les poètes à des cancres et les philosophes à des choses inutiles. Il serait vraiment triste qu'au lieu d'aider les élèves à donner du sens à leur vie, l'école se contente de les transformer en
    machines à calculer.

    A force de négliger les aspirations de la jeunesse, la société donne naissance à des générations en souffrance, à des adultes qui doutent de plus en plus du sens de leur travail, et il ne faut pas s'étonner qu'un jour ou l'autre, une génération se réveille subitement pour refuser un monde qu'elle n'a jamais eu l'occasion de choisir.

    La force et l'énergie des révoltés, des indignés sont, pour moi et pour beaucoup, une grande espérance.

     


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    Une famille en IEF monte au créneau contre les tests que certains inspecteurs de l'Education Nationale imposent, justifie sa démarche, propose des alternatives et nous fait partager quelques moments de leur bonheur quotidien en photo.


  • Article de Sylvia Galipeau paru sur Cyberpresse.ca le 10 janvier 2010

     

    Déscolarisés, oui, mais instruits

    Ils apprennent à leur rythme. Selon leurs préférences. L'astrologie ici, le roi Arthur là. Ou pourquoi pas la philosophie. Kantienne. Mais la question se pose: comment réussissent les enfants qui ne vont pas à l'école? Dans ce deuxième volet de notre série sur la déscolarisation, Vivre s'attaque à l'épineuse question des résultats scolaires.

    Par définition, les enfants déscolarisés ne passent pas d'examens, fonctionnent sans notes ni bulletins. Difficile, dans ce contexte, d'évaluer leurs apprentissages.

    Quelques enquêtes ont néanmoins analysé la performance académique des élèves faisant l'école à domicile, un groupe hétérogène à l'intérieur duquel se retrouvent quelques marginaux: les élèves déscolarisés. Les données sont sans équivoque.

    Ainsi, d'après un rapport publié en 2007 par l'Institut Fraser sur l'enseignement à domicile (Home Schooling: From the Extreme to the Mainstream), l'un des rares rapports canadiens sur la question, il semble effectivement que les enfants instruits à la maison réussissent systématiquement mieux que ceux qui fréquentent l'école (publique ou privée), et ce, dans tous les domaines. D'après une enquête réalisée auprès de plus de 20 000 familles aux États-Unis, les jeunes instruits à la maison se retrouvent entre le 82e et le 92e percentile en lecture, et dans le 85e percentile en maths. Globalement, leurs notes oscillent entre le 75e et le 85e percentile, bien au-dessus des jeunes des écoles publiques (dans le 50e percentile), même des écoles privées (entre le 65e et le 75e percentile).

     

    Une enquête canadienne arrive sensiblement aux mêmes résultats: ainsi, les jeunes instruits à la maison se retrouvent dans le 80e percentile en lecture et le 79e en maths, alors que les jeunes instruits dans le système public ou privé se classent dans le 50e percentile.

    Un bémol, toutefois. Ces chiffres sont peut-être à prendre avec un grain de sel, étant donné que ces enfants passent les tests qui leur plaisent, surtout au moment de leur choix. Une nuance importante, quand on pense au contexte dans lequel se déroulent la plupart des examens scolaires formels. «Cela étant dit, étude après étude, on note quand même que les jeunes suivant l'école à la maison réussissent mieux que leurs pairs à l'école», fait valoir le rapport de l'Institut Fraser.

    À noter, alors qu'il est généralement admis que le niveau d'éducation des parents influence le succès scolaire des enfants, cela ne semble pas être le cas ici: que la mère ait ou non un diplôme (même du secondaire), les enfants instruits à la maison ont des scores entre le 80 et le 90e percentile. Toujours loin devant les élèves du système public ou privé.

    Et qu'en est-il des études supérieures? Les institutions universitaires commencent à s'intéresser à ces jeunes instruits différemment, conclut le rapport. Qu'il s'agisse de Harvard, Yale, Stanford ou du MIT, toutes ces universités américaines prestigieuses ont accueilli des jeunes instruits à la maison dans la dernière décennie. Stanford, par exemple, qui a reçu 36 demandes d'inscription de jeunes sans scolarité formelle en 2000, en comptait plus de 100 en 2007. De plus en plus d'institutions ont d'ailleurs des mesures établies pour leur admission (acceptant, faute de bulletins, les portfolios et lettres de recommandation). Au Canada, il s'agit des universités de Toronto, York et Dalhousie, entre autres.

     Dossier sur le sujet : http://www.cyberpresse.ca/vivre/famille/201101/08/01-4358336-la-descolarisation-au-quebec.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4358541_article_POS1

     


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    Web-documentaire québécois en plusieurs épisodes intitulé "La déséducation". Ici, l'épisode 5 sur l'éducation et la société.

     

     


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    Un magazine qui nous fait explorer des pistes en-dehors des sentiers battus. On en prend, on laisse certaines choses aux autres, on y revient, on s'interroge...

     J'y ai rencontré les thèmes de la naissance, l'allaitement, le portage en écharpe, les pédagogies alternatives, la place des grands-parents... Le hors-série n°3 m'a pas mal orientée et j'y ai notamment trouvé les références du forum de discussion belge sur l'IEF, qui a été déterminant dans ma décision de non-scolarisation.

    Liens

    Les numéros sont disponibles en ligne au format PDF, à commander ou à acheter dans certaines boutiques.

     http://www.grandirautrement.com/

    Merci à mon amie Sandrine P. pour cette découverte :)

     





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