• Comment faire de bons dictateurs

    Lorsque la médiathèque propose une bourse aux livres, je trouve généralement quelques trésors bon marché pour les enfants, que je garde sous le coude ou leur offre directement, selon l'intérêt du moment. Christophe Colomb est ainsi sorti de son étagère suite à une conversation autour du dîner, tandis que Molière, star du moment, l'a suivi de près, me happant l'air de rien pendant que les enfants se brossaient les dents. 

    Après la description sensorielle et vivante que fait Sylvie Dodeller des rues de la capitale au XVIIème siècle, c'est la découverte du collège jésuite fréquenté par le jeune Jean-Baptiste qui m'a interpellée et que je souhaite ici partager. 

    "Dans cette cité particulière, on parle le latin comme une langue vivante. Le français est tout juste toléré pendant les récréations. Après la messe, l'écolier rejoint sa salle de classe. La pièce, longue et glaciale, ne contient pas trente, ni même quarante élèves - le maximum dans nos classes actuelles - mais plus de deux cents ! Lui et ses camarades s'entassent sur des bancs sans pupitre ni table et écrivent sur leurs genoux la leçon dictée au loin par leur professeur. 

    Comment faire régner l'ordre et le silence dans une classe surpeuplée ?

    Les professeurs jésuites ont mis au point une méthode d'une efficacité presque... militaire. La classe est séparée en deux camps rivaux. Chaque camp est lui-même divisé en plusieurs équipes de dix élèves, qu'on appelle les décuries. Les dix élèves occupent un même banc et sont dirigés par le meilleur d'entre eux, le décurion. Ce collégien a un rôle très important, puisqu'il doit veiller à ce que les devoirs soient bien faits, les leçons parfaitement apprises, et la discipline respectée. Si son équipe affiche de bons résultats, elle peut avancer dans le classement et changer de banc. Le premier de chaque banc est nommé "imperator", le deuxième "censeur", le troisième "tribun". A la fin de l'année scolaire, l'imperator du camp vainqueur - celui qui cumule les meilleurs résultats- prend le titre de "dictateur". 

    Ave Cesar ! Lecteurs d'Astérix, tous ces noms doivent vous paraître familiers : ils s'inspirent directement de l'organisation des légions romaines.

    Les méthodes mises au point par les Jésuites sont alors ce que l'on fait de mieux en matière d'éducation."

    Et de compléter sur le leg de cette méthode dans l'éducation actuelle : devoirs écrits, notes, classement, compétition permanente... 

    Près de quatre siècles plus tard, les termes et le cadre ont quelque peu changé, le principe... pas tant que ça. 

    Extrait de Molière, Que diable allait-il faire dans cette galère ? de Sylvie Dodeller, paru chez L'école des loisirs.

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